Impatience

Photographies de
Jean-François Spricigo

Du 25 mars au 7 mai 2016
Bruxelles, Belgique. 2008 - Jean-François Spricigo - FLAIR Galerie

Bruxelles, Belgique. 2008
Photographie de Jean-François Spricigo
Prise de vue argentique, tirage Fine Art
60 x 90 cm
© Jean-François Spricigo

Intitulée Impatience, l’exposition de photographies de Jean-François Spricigo présentée par FLAIR Galerie du 25 mars au 7 mai 2016, révèle de manière envoûtante une proximité avec le monde animal transfigurée par l’étrangeté. D’un noir et blanc intenses, souvent dénuées de profondeur de champ, surgissant au confluent de la poésie et de la rêverie, chacune des vibrantes images de ce bestiaire témoigne d’une souveraineté singulière qui s’offre aussi comme une épiphanie.

Cette fragilité très maîtrisée caractérise tout l’art photographique de Jean-François Spricigo qui ne montre, ni ne capture ses objets, mais les fait surgir dans une durée précaire. Au prix d’un accueil humble et endurant. Dans l’écrin de silence luxueux que réclame la dignité de chaque existence érigée au rang d’événement de la nature, de petit miracle de l’Être.
Qu’il s’agisse d’une chouette immobile, d’un écureuil bondissant, d’une ronde de canards – a fortiori de chats ou de chiens saisis dans leur solitude –  jamais nous n’avons davantage ressenti, pour familiers qu’ils soient, à quel point ces créatures sont autres, appartiennent à un monde séparé, un monde étranger dont nous ne pouvons qu’envier la beauté farouche, la noblesse, et plus encore l’innocence.
Car sur la ligne de crête d’une apparition que semble aussitôt menacer sa propre disparition, l’œil qui opère ici ne se projette pas au dehors mais s’introjecte l’altérité radicale de chaque animal pour la recueillir dans un vacillement quasi fantomatique, à ce point diamanté où le plus ordinaire devient inquiétant, le plus banal devient étranger, le plus intime inconnu. On y aura reconnu une déclinaison très sensible de cette « inquiétante étrangeté » chère à Freud, soit un refoulement de la représentation laissant libre cours à une affectivité transformée en angoisse. A cette différence près que l’impressionnisme intemporel de Jean-François Spricigo la désamorce par une douceur, une délicatesse qui s’appelle aussi la grâce.

Cécile Guilbert, 2015

un souffle
j’espérais
un air d’embarquement
là-bas, ailleurs
je n’étais plus d’ici
je m’écoutais
tant de peurs
abandonné
j’insultais les astres
le vent m’a répondu
j’écoutais
Au gré des impatiences j’arpente le monde, contemplant le déjouement de mes stratégies.
Vaste monde, petites jambes, et encore la tête ailleurs. Je tournais en rond dans le circuit fermé des habitudes, en quête d’un angle où m’appuyer.
Absurde.
Marcher à nouveau, sans calcul cette fois, déjà mes pas débordent du périmètre des certitudes ; je quittais la ville. Monde érigé par et pour l’Homme – confortable, aux règles carcérales – rassurantes, inféodé à une justice au service de ses intérêts – raisonnables.
Petit monde.
À force d’en sortir, l’inquiétant dehors conduisait au tranquille dedans. Cependant, même à deux coudées de moi, j’ignorais comment m’atteindre.
Rien à savoir, tout à sentir souffla le vent, tu n’es rien observa l’oiseau, alors cesse de vouloir être confirma le vent. Ta solitude est ta liberté, libérée des attachements la rencontre devient possible.
Ainsi la Vie s’exprime à travers ceux qui l’incarnent. Peu importe la langue, le langage immémorial inscrit aux confins des chairs s’active à l’instant où il cesse d’être craint. Nulle magie, de l’écoute, simplement, le seul miracle tient à la profondeur de l’attention.

Jean-François Spricigo, 2015